• Franpi // Sun Ship (27 août 2019)
The Hatch, la trappe. On ne saurait mieux dire. Mette Rasmussen et Julien Desprez on le sens de la formule et elle est comme leur musique : sèche, brute, précise, directe.
La rencontre a lieu en 2016, au Music Unit de Montreuil, ce n’est pas la première, et quand bien même, il n’y aurait pas de round d’observation, la guitare et l’alto parle le même langage, celui des bribes et des rapports de force, des mots brefs et des attaques pointues. Tranchantes, effilées : « Clay on Your Skin » : la danoise commence par introduire des bribes à l’alto, comme on prépare des scalpels à la chaux, et c’est la guitare qui tranche puis suture à vif.
Pas de douleurs, c’est trop rapide, et le travail est suffisamment précis pour qu’il en devienne orfèvrerie.
Parce que voilà bien la trouvaille de The Hatch : on connaît nos deux improvisateurs européens, le guitariste sans limite qui fait de chacune de ses cordes les tendons de muscles rablés et la saxophoniste danoise que l’on aurait tendance à ranger trop vite dans le cri. On pourrait imaginer un ring, un rapport de force, deux murs de sons qui s’opposent voire se renversent et s’ébrèchent, mais ce serait tellement attendu…
« Offenders » prend le contrepied : celui des textures, des sons longs, des à-plat où chaque souffle est un relief, où chaque scorie saturée est une légère déviation…
Etonnamment, une grande douceur, qui se propage comme une vague de chaleur, et gagne même des « Matters of The Soul » aux légers reflets ayleriens, l’air de rien. Enfin, pas si étonnant que ça ; bien sûr, il y a les trappes. Les puits sans fonds hérissés de pics où la guitare claque un rythme primal et une légère dissension.
Chuter dedans à l’effet de ces rêves que l’on fait juste au moment de s’endormir, mais qui perdurerait un peu trop longtemps pour que ça ne puisse pas virer au cauchemar.
Un dispositif de tension comme un autre, qui relance la machine.
La rencontre entre Rasmussen et Desprez est belle et riche. Elle est, non pas la matrice, mais le carburant de ce que nous avions pu entendre en début d’année avec T(r)opic, où dans le grand orchestre, la relation entre guitare et alto était tout à fait primordiale. Elle se fait ici tout à fait concrète dans « Black Sand » qui introduit la matière. Est-ce le jeu des anches où les cordes grattées qui laissent toute cette poussière sur un son presque uniforme ? Les timbres se confondent, se mélangent, s’enlacent mais ne s’anhilent pas. Ils se complètent, et se nourissent.
C’est une belle sortie que nous propose Dark Tree, et un instant important pour les deux musiciens qui n’ont certainement pas fini de discuter ensemble. On s’en régale.
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