• Franpi Barriaux // CitizenJazz (30 octobre 2022)
Il serait simple d’imaginer que To Live and Breathe… est une rencontre nouvelle, fortuite presque, entre trois fortes têtes de la musique improvisée internationale. Il est tentant de penser que cette captation italienne de février 2017 avec Vinny Golia est une première sur les terres du flamboyant batteur Cristiano Calcagnile, dont on avait tant aimé la récente prestation avec son Multikulti Ensemble : la rencontre entre le batteur et le multianchiste étasunien est une parfaite illustration de ce que représente la cristallisation. « An Introduction to Bonsaï Basics » brille par son immédiateté, Calcagnile faisant parler sa vélocité pour suivre le saxophone soprano qui va droit devant, sans hésitation ni circonvolution inutile. Golia, au milieu du long morceau, ne semble réduire la voilure qu’à l’instant où la base rythmique trouve son rythme de croisière. Une traversée sans temps morts nonobstant. Pour accompagner Calcagnile, on a le plaisir de retrouver Bernard Santacruz, toujours parfait dans ce jeu de rupture, peu éloigné de ce qu’il proposait avec Samuel Silvant.
Pourtant, deux ou trois indices nous laissent penser que le trio a davantage que quelques repères et des routes parallèles sur la carte du Tendre ; « Visit The Mountain », bien introduit par un ostinato de Santacruz, a des allures de descente en rappel dans les canyons d’improvisation de la côte Ouest du continent nord-américain, une voie que Vinny Golia connaît par cœur et sait emprunter avec beaucoup de douceur, bien relayé par Calcagnile, devenu plus musical. Côte Ouest que révère Bertrand Gastaut, le patron de Dark Tree Records qui nous propose ce bel album dont l’esthétique puissante a toute sa place dans la direction du label. L’autre indice, c’est la mémoire de Philippe Méziat, notre collègue de Citizen Jazz qui, dans un article consacré à Bobby Bradford, évoque un concert du présent trio avec le trompettiste texan au Sunside, à peine une semaine avant ce concert de 2017.
Il y a davantage qu’un langage commun entre Golia, Calcagnile et Santacruz. Lorsque le multianchiste – qui souhaitait manifestement voyager léger en Italie – s’empare de son piccolo dans « Evanesce », Bernard Santacruz ne tarde pas à modifier son approche, jouant avec les sons les plus cristallins de sa contrebasse. Calcagnile n’est pas en reste, et sa batterie devient le théâtre d’une débauche de percussions. Jamais le morceau ne côtoie de nouveau les profondeurs, celles du puissant « Drumstart » où la contrebasse feule. Pourtant Santacruz cherche à plusieurs reprises à durcir son jeu, mais sans jamais contraindre ses compagnons à une course à la démesure. Ce trio est de ceux qui ne s’enferment jamais.
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